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Sélim Ben Hassen

Je m’appelle Sélim Ben Hassen.

Je suis né à Tunis.

J’ai grandi entre les mondes, entre les langues, entre les lignes.

Et comme tout le monde entre les injonctions.

On m’a fait comprendre qu’il y avait une voie à suivre.

Mais j’étais attiré par les chemins de traverse.

Ce site est un carnet,

Des engagements. Des désillusions. Des tentatives. Des vertiges.
Des chemins qui ne menaient pas là où je pensais.
Du sens parfois, mais pas toujours.
Dans ce carnet il n’y pas tout. Mais des choses qui ont compté.
Ce qui m’a animé. Ce qui m’a bousculé.
Ce que je n’ai pas compris et que j’essaie encore de comprendre.

C’est une histoire qui commence par un parcours tout tracé,
Et une prise de conscience qui a tout bousculé.

Je suis né dans un pays où la parole pouvait coûter cher.
Très tôt on apprend à parler bas, à regarder derrière soi.
Pendant mes études à Paris,
Je me préparais à devenir avocat, un destin familial.
J’ai commencé à inviter des voix interdites,
Des activistes, des exilés.
Souvent la police politique rôdait au fond de la salle.
Un jour, on décide de créer Byrsa.
Un groupe de jeunes qui se donnait pour mission de faire tomber le régime.
Rien que ça.

  • On était jeunes. Mais on y croyait tellement fort. Un peu naïvement, un peu à l’arrache,

  • On faisait tourner des textes. On organisait des actions. Il y avait des menaces. Des filatures. Et un soir même, des coups de feu.

  • Petit à petit, la peur a changé de camp. Et un 14 janvier 2011, La dictature est tombée. La Tunisie a conquis sa liberté.

    Une aventure que j'ai voulu prolonger, en me lançant de nouveaux défis, dans lesquels je trouvais du sens.

    Je ne savais pas si c’était possible.
    Je ne savais pas si c’était raisonnable.
    Un jour, j’ai eu envie d’écrire un message sur un mur qu’on ne touche pas.
    La mosquée la plus haute du pays.

    • J’ai proposé à El Seed de rejoindre l’aventure.
      Il savait manier la calligraphie arabe et le graffiti à la perfection.

    • Il a fallu convaincre sans brusquer. Trouver les mots justes.
      Ensemble, on a choisi ce verset du Coran :
      « Ô Hommes… Nous vous avons créés nations et tribus pour que vous vous rencontriez. »

    • El Seed a utilisé ses bombes.
      Des bombes de couleur.
      Des bombes qui ne tuent pas mais qui donnent de la vie aux idées.

    • Beaucoup pensaient que ce serait un jour vandalisé.
      Ça ne l’a jamais été.

      À croire que les messages les plus fragiles sont ceux qui tiennent le plus longtemps.

      À mesure que je cheminais, je déconstruisais le monde qu’on m’avait transmis…

      Le rituel était simple.
      Un bar, une gare, un café. Un client qui ne veut pas partir.
      Puis poser la question :
      « Est-ce que je pourrais rester chez vous ce soir ? »
      Pendant cinq ans, j’ai dormi chez des gens que je n’aurais jamais croisés autrement.
      Des ouvriers.  Des paysans.  Des jeunes hors-la-loi.  Des vieilles femmes seules.

      Je me suis retrouvé à écouter des choses très intimes.
      Des ruptures.  Des humiliations.  Des amours qui avaient mal tourné.
      Des fils qu’on ne revoit plus.  Des rêves qu’on a laissés de côté.

      Je me suis surpris à raconter ce que j’avais peur de dire ailleurs.

      Ce n’était pas spectaculaire
      Juste deux personnes,
      Qui l’espace d’une nuit,
      À un mètre l’une de l’autre se livraient.

      Et j’essayais de m’inventer un nouveau monde, Moins tourné vers moi, plus tourné vers les autres.


      Un an de routes poussiéreuses, de trajets annulés, de rendez-vous ratés.

      C’est comme ça que je les ai trouvés. 

      Quinze.

      Ils avaient accompli quelque chose d’exceptionnel, à leur échelle, loin des caméras.

      Juste parce qu'ils pensaient que c'était la chose à faire.

      Ensuite il a fallu convaincre les médias. Le prime time, tous les soirs, pendant un mois. En simultané sur les quatre principales chaînes de télévision.

      Pendant trente jours, chaque soir, leurs visages sont apparus. Ce n’était pas un programme. C’était un hommage à l’échelle d’un pays.

      Ce que je retiens, ce ne sont pas les audiences. Ce sont les milliers de messages émus de gens qu’ils ne connaissaient pas. Et qui, d’un coup, les avaient vus.

      Sans perdre le goût du défi,
      En voyant toujours plus grand.

      On a monté quatre espaces.  Quatre lieux.  Quatre symboles.
      Un bidonville, un petit village au bord du désert, une ville ouvrière oubliée,
      Et un immense Colisée romain fermé aux manifestations publiques.

      Beaucoup ont dit que ça allait dégénérer.
      Comme si c’était normal de s’attendre au pire dans ces endroits-là.

      600 bénévoles ont rejoint l’aventure.
      Des personnes du coin, qui en avaient marre d’être oubliées.

      Le jour de l’événement, les gens sont arrivés tôt.
      Ils ont regardé le match. Chanté. Dansé.
      Et une joie simple : Vibrer ensemble.

      Coupe du Monde 2018, la Tunisie est qualifiée.
      La fête avait lieu.  Mais pas partout.
      Dans certains quartiers. Toujours les mêmes.
      Là où rien ne déborde.  Là où les trottoirs sont propres.
      Alors on a décidé de le faire nous-mêmes.
      Monter des fan zones dans les endroits qu’on évite d’habitude.

      Je voulais réparer le réel avec des idées justes,
      Pas pour les gens, mais avec eux.

      C’était devenu insupportable.
      Des politiques vissés sur les chaises des plateaux télé.
      Parler de ce que voulaient des gens qu’ils n’avaient jamais pris la peine d’écouter.
      Alors on a lancé un appel.
      “Qu’est-ce qui compte pour vous ?”

      En trois mois, 400 000 personnes ont répondu.
      On a tout relu. Tout croisé.
      Et on a écrit ce qu’on a appelé la Feuille de route des Tunisiens.

      Un million de personnes l’ont signée.

      Le mouvement a commencé à apparaître dans les sondages.
      Au bout de quelques semaines, on était parmi les trois premiers,
      À la surprise générale.

      J’avais le sentiment de porter une parole collective.

      Mais tout ne s’est pas passé comme prévu.

      Je ne sais pas si c’était une bonne idée. Peut-être que je voulais croire qu’il restait une brèche. Quelque chose à tenter, à défendre.

      C’était les élections législatives.  J’ai choisi Tunis 1.

      Un territoire qu’on décrit souvent comme “populaire”, “difficile”, “instable”. C’était là que se présentaient tous les poids lourds. Le chef des islamistes, les chefs de parti, les figures installées.

      Quelques jours avant, les sondages me plaçaient second, parfois en tête.

      Le soir du 6 octobre 2019, les résultats sont tombés.  J’étais tout en bas. Le chef des islamistes tout en haut.

      Je ne suis pas resté très longtemps après ça.
      Je crois que j’étais vidé.
      Pas seulement par la défaite.
      Par quelque chose de plus profond.

      Alors je suis parti,
      le plus loin que je pouvais.

      Il y avait eu des années difficiles.
      Des années sans beaucoup de lumière.
      J’avais besoin de m’éloigner.
      Je me disais que ça m’aiderait peut-être à y avoir plus clair.

      Janvier 2025. Sur le petit port de l’Aber Wrac’h en Bretagne.
      Un départ pour une traversée de l’Atlantique.
      Une fuite qui ne dit pas son nom.

      Le Rara Avis, ce n’est pas un voilier comme les autres.
      30 passagers. Des cabossés, des fragiles, des accidentés de la vie.
      Et moi j’en faisais partie.

      Sur le bateau, j’ai appris à éplucher des légumes.
      À faire des noeuds. Pas toujours réussis.

      Et puis attendre. Que le temps fasse un peu le tri.
      Et que la mer me livre quelques secrets.
      Sur la vie, sur les autres, sur moi.

      À la fin du voyage,
      Je n’avais pas trouvé de réponses.
      Juste encore plus de questions.

      Et je suis revenu avec “Mazette !”

      J’ai filmé cette traversée.
      Comme un journal intime. J’ai mis des mots sur des images,
      Des images sur des émotions inconnues.
      Et j’en ai fait une série : “Mazette !”

      Un jour, un mail :
      "Mazette !" est sélectionnée aux Nations Unies,
      Pour être présentée en avant-première mondiale.

      Après cinq années un peu dures,
      C’était inespéré.
      Mais je ne voulais pas y aller seul. Alors je les ai appelés.

      Dom, Nadine, Guylaine, Antonin.
      Eux-aussi étaient partis sur ce voilier pour se trouver.
      Ils ont traversé la France. Ils sont venus. On a répété. On a ri.
      Il n’y avait pas de tapis rouge, mais on l’a inventé.

      On était heureux ensemble. On était fiers.
      C’était le 4 juin 2025.
      Encore mieux qu’un conte de fées.